La création d’une union fiscale apparaît pour beaucoup comme un antidote aux crises financières. Certains dirigeants européens prônent donc sa création, comme le président français Emmanuel Macron, élu sur base d’un programme qui ambitionne la création ’un budget commun – autrement dit, d’une union fiscale – au sein de la zone euro. Souvent, cette union fiscale est présentée comme une étape nécessaire de la construction européenne. Mais selon Martin Sandbu du Financial Times, il n’est pas évident qu’un projet aussi titanesque, à la fois gourmand en capital politique et en détermination, soit judicieux à l’heure actuelle.
Il explique qu’il ne permettrait pas de remplir tous les objectifs qu’on lui assigne, ou bien que ceux-ci pourraient être remplis sans sa création :
1/ La création des euro-obligations (ou eurobonds) ne permettra pas d’éradiquer les fuites de capitaux, à moins d’interdire les pays d’emprunter pour leur propre compte. En effet, les investisseurs pourront toujours s’inquiéter et bouder les euros-obligations, si l’un des pays membres de l’Union se révélait être dangereusement surendetté.
2/ Certains pensent qu’en autorisant le recours à des transferts fiscaux temporaires, une union fiscale permettrait aux pays en difficulté de s’adapter aux chocs asymétriques (c’est-à-dire les chocs économiques qui affectent de manière différente les différents membres de la zone euro, et auxquels ces derniers ne peuvent s’adapter en procédant à une dévaluation de leur monnaie, par exemple).
Mais il est des crises qui n’épargnent aucun membre de la zone euro (au début de la crise de l’euro, tous les Etats-membres étaient affectés). Et même en cas de chocs asymétriques, chaque pays membre a toujours la possibilité d’emprunter pour compenser les déficits budgétaires. Et si la règle le lui interdit, il semble plus logique d’assouplir ce règlement, plutôt que de contourner cette difficulté en proposant aux Etats-membres de se prêter mutuellement de l’argent.
Une union fiscale ne changerait pas la donne pour les pays les plus affectés par les crises
Une union fiscale ne réduirait pas le risque de perte d’accès aux marchés financiers pour un Etat membre en grande difficulté. Aux Etats-Unis, les transferts budgétaires entre les différents Etats ne permettent d’amortir que près de 20 % des chocs économiques asymétriques dans les Etats les plus affectés par une crise. Cela signifie qu’ils permettent seulement d’empêcher un recul du PIB d’environ 20 %, une proportion bien trop faible pour changer la donne pour les pays les plus affaiblis par la crise.
3/ En outre, il n’est pas nécessaire d’imposer une union fiscale pour mettre en place des transferts entre Etats-membres financés par des emprunts émis en commun.
4/ A ceux qui réclament la création d’une union fiscale pour fournir un « soutien fiscal » pour garantir les banques de la zone euro, Sandbu rappelle qu’une directive européenne relativement récente a mis fin au concours des contribuables européens pour le sauvetage des banques en difficulté. Désormais, ce sont les actionnaires, puis les clients de la banque, qui doivent éponger ses pertes.
5/ Enfin, l’Union fiscale est parfois présentée comme un préalable pour la mise en place d’un budget commun qui pourrait financer des projets d’intérêt commun. Mais l’UE est compétente pour de tels projets, et il suffirait donc d’augmenter la taille de son budget, ce qui la doterait d’une plus grande capacité d’emprunt.
« Il n’est donc pas si évident qu’une union fiscale serait ou bien nécessaire ou bien suffisante pour améliorer le degré de stabilisation fiscale pour les pays de la zone euro, ou l’union monétaire dans son ensemble », conclut Sandbu. Il ajoute qu’une meilleure exploitation des règles fiscales existantes permettrait de trouver des solutions aux différents problèmes pour la résolution desquels l’union fiscale est souvent présentée comme la panacée.
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