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Juncker fait comme si de rien n’était et donne 100 % raison à Rajoy

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OPINION – Un homme politique puissant, âgé de 62 ans en costume gris, voilà l’homme qui doit sortir de sa crise le projet européen. Mais Jean-Claude Juncker ne réussit pas du tout. La crise autour de la Catalogne est une nouvelle preuve que l’Union Européenne est entre de vieilles mains avec une vision de court terme. Au lieu d’intervenir dans un conflit qui suppure dans l’un des grands états membres, Juncker fait comme si de rien n’était.

We don’t comment on comments“, était une déclaration forte du porte-parole de la Commission européenne cet après-midi. Cela fait des jours que la colère gronde autour de l’Europe et de la crise catalane. Mais personne n’était disponible pour commenter. Même pas après que l’ex commissaire Karel de Gucht (open VLD) avait fait une farce en se demandant pourquoi l’Union Européenne n’avait pas réagi aux événements inquiétants en Catalogne.

Lorsque le gouvernement espagnol a opté pour une action violente et dure contre les électeurs lors du référendum en Catalogne, ces images ont fait le tour du monde. Il y a eu beaucoup de colère et d’indignation, mais il n’y a guère eu de réaction de la part de l’Union Européenne. C’est d’autant plus étrange, que normalement, l’UE ne perd pas de temps pour défendre les droits fondamentaux de l’homme, partout dans le monde.

Mais Mariano Rajoy, le Premier ministre et dirigeant du Partido Popular conservateur en Espagne, est même allé encore plus loin : tous les membres du gouvernement de la Catalogne ont été privés de tout pouvoir politique, puis jetés dans une cellule. Les membres du gouvernement catalan qui ont fui en Belgique sont menacés de peines de prisons qui peuvent atteindre 30 ans, y compris Carles Puigdemont, dont l’Espagne demande qu’il soit arrêté ici et extradé.

Une fois de plus : le silence des institutions européennes est assourdissant. Aucune intervention pour signaler que jeter des dirigeants politiques en prison n’est pas une solution, et que lors d’un conflit, le dialogue est la seule solution. Ce dernier n’est pas facultatif : pendant des mois, les Catalans ont appelé à une nouvelle série de négociations avec Madrid. Le référendum et la proclamation ultime de l’indépendance ne sont que des réactions à l’absence de réponse de Madrid : Rajoy refuse tout simplement toute conversation.

Ainsi, celui qui appelle au dialogue s’aligne avec la logique des Catalans, soutiennent Rajoy et compagnie. Pour eux, les dirigeants catalans viennent d’outrepasser la loi, ils doivent être traités comme des criminels. Case closed.

Juncker réagit enfin, pour donner complètement raison à son ami Rajoy : aucune mention d’une médiation

Alors que son responsable de communication a conservé la bouche close dans l’après-midi, le président de la Commission lui-même, Jean-Claude Juncker, n’a pas pu se retenir hier. Au fur et à mesure que la journée avance, le président de la commission a toujours tendance à devenir plus spontané et plus impulsif, avec ou sans l’aide d’un verre.

Devant la caméra de la VRT, Juncker s’est donc lancé, pour rejoindre immédiatement à 100 % la logique de Rajoy : « je ne vois pas comment la règle de droit serait violée par les autorités espagnoles. Je pense plutôt que ceux qui ne respectent pas l’ordre constitutionnel espagnol ont violé la loi », a-t-il dit à l’intention des dirigeants catalans. Ces derniers pourraient être emprisonnés pendant 30 ans : pas de problème pour l’homme le plus important de l’Europe.

Et ce qui est peut-être encore plus frappant, c’est qu’en aucun cas Juncker ne se sent responsable pour trouver une solution. Il répète à l’envi la phrase que Rajoy est si heureux d’entendre : « c’est une question purement interne à l’Espagne ». « Ce qui se passe en Catalogne n’est pas une question européenne. La solution réside dans l’ordre constitutionnel et juridique interne de l’Espagne. La Commission Européenne a adopté une position prudente et qui ne respecte peut-être pas toutes les attentes. Mais l’Union Européenne est une union qui est fondée sur des règles juridiques. Et l’on doit les respecter ».

Il ne faut pas regarder très loin pour trouver la raison de cette intransigeance. Juncker est un pur homme du PPE, le bloc de pouvoir conservateur au sein de l’UE, auquel appartient aussi le Partido Popular. En aucun cas, il ne peut et ne veut évidemment se déconnecter de la logique de ses collègues politiques espagnols.

Un projet de stabilité et de paix, tant que cela les arrange

Juncker prouve ainsi une fois de plus qu’il n’est pas l’homme approprié pour donner un nouvel élan à l’Europe. Après le brexit, et les années sombres d’une crise de l’euro persistante, le projet européen est désespérément à la recherche un nouveau souffle. Avec l’arrivée du président Emmanuel Macron résolument pro-européen en France, et la fin des élections européennes allemandes, qui ont vu Angela Merkel se maintenir au pouvoir, le temps semblait venu d’insuffler une nouvelle vie en Europe. Un retour vers l’essence du projet européen autour de ce qui fonctionne : assurer la stabilité et la paix en Europe, avec le plus grand respect possible pour les droits de chaque citoyen.

Mais la crise espagnole montre surtout comment l’Europe veut exceller à ne rien faire. En particulier en Europe de l’Est, où la démocratie est un concept beaucoup plus jeune et moins solide, l’attitude européenne vis-à-vis de l’Espagne sape toute crédibilité à l’avenir pour pouvoir intervenir. Si plus tard en Hongrie et en Pologne, les actions des dirigeants se renforcent contre l’opposition ou la presse libre, la réponse à un Viktor Orban ne pourra-t-elle pas être grosso modo « Qu’il s’agit d’une affaire hongroise purement interne » ? Et comment Juncker and Co. pourront-ils répondre à cela ?

The post Juncker fait comme si de rien n’était et donne 100 % raison à Rajoy appeared first on Express [FR].


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