« En 20 ans de journalisme, j’ai rencontré et interviewé de nombreux politiciens. A de rares exceptions près, ils manifestaient tous un degré d’imbécillité qui m’impressionnait autant qu’il m’effrayait. Il n’y avait pas de différences idéologiques entre ces personnes. Elles n’avaient qu’à occuper des postes à pouvoir pour que l’imbécillité se manifeste ».
Cette déclaration, c’est celle de João Pereira Coutinho, un journaliste du journal brésilien Folha de Sao Paulo. Il précise que ce qu’il qualifie d’imbécillité, c’est une forme de détachement du monde, comme si ces politiciens « vivaient dans une galaxie distante ». Comment expliquer ce phénomène ?
Des lésions cérébrales
Il cite les travaux de deux chercheurs, Dacher Keltner, professeur de psychologie à l’Université de Californie, et Sukhvinder Obhi, un spécialiste des neurosciences canadien, rappelés récemment dans un article de The Atlantic. Leur conclusion est sans appel : le pouvoir peut provoquer de véritables lésions cérébrales. Tous deux ont démontré que le pouvoir affaiblissait la capacité du puissant à éprouver de l’empathie.
Normalement, nous sommes des êtres sociaux, et sommes sensibles aux signes émis par nos congénères. Ceux-ci sont autant de stimuli qui nous font agir et réagir. Mais les puissants tendent à se constituer un entourage de flagorneurs qui les flattent et ne remettent jamais leurs décisions en cause. Du coup, ils sont amputés de leur capacité à interpréter les signaux envoyés par leurs subalternes. Leur empathie est comme anesthésiée. Dans leur esprit, des décisions qui peuvent être nuisibles ou cruelles pour le peuple, ou leurs équipes, sont requalifiées en « nécessaires ».
Des solutions
Des solutions existent pour remédier à ce problème, explique Pereira Coutinho. Il en cite 3 :
- Les chercheurs se sont rendu compte que lorsque l’on rappelle à ces personnes de pouvoir des moments antérieurs de leur vie, au cours desquels elles étaient confrontées elles aussi à des difficultés, leur cerveau se remettait à fonctionner normalement pendant ce qu’ils appellent des « épisodes de dispersion de l’arrogance » (‘hubris-dispelling episodes’).
Sur base de cette observation, on pourrait donc créer un poste similaire à celui du bouffon du roi, dont le rôle serait de ramener le puissant à des considérations plus terre à terre, pour lutter contre sa suffisance. Ce bouffon devrait être doté d’une immunité, pour le protéger de potentielles représailles.
- Les constitutions pourraient aussi prendre ce phénomène en compte, et s’y adapter, par exemple en prévoyant des mandats plus courts, et non renouvelables. Ou alors, la figure de pouvoir devrait obligatoirement se soumettre régulièrement à des examens neurologiques permettant de détecter d’éventuelles lésions, et interrompre son mandat, le cas échéant.
- Enfin, on pourrait aussi obliger nos dirigeants à vivre une semaine par mois dans les mêmes conditions qu’une personne percevant un salaire minimum. Sans aucun doute, pour beaucoup, ce serait une révélation…
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