Les médias internationaux ont eu tendance à opposer le président américain Donald Trump à son homologue français Emmanuel Macron. Mais quand il s’agit de leurs politiques économiques respectives, c’est leur similitude qui est frappante, affirme l’économiste français Thomas Piketty sur son blog sur le journal Le Monde.
Piketty a conseillé le socialiste français Benoît Hamon pendant sa campagne électorale pour les présidentielles de 2017. Actuellement, il est consultant auprès du mouvement d’extrême gauche espagnol, Podemos. Ce dernier est issu des Indignados, un mouvement de protestation espagnol né au plus fort de la crise financière en 2011-2012.
L’économiste s’est spécialisé sur les inégalités économiques, et il est l’auteur de l’ouvrage « Le Capital au xxie siècle, encensé dans le monde entier. Son confrère Paul Krugman, lauréat du Prix Nobel d’Économie, a estimé qu’il s’agissait du livre « le plus important de l’année, et peut-être, de la décennie ».
(L’ouvrage – un pavé de 900 pages – est même devenu à l’époque un « must read », une lecture incontournable, ce qui a fait de lui un best-seller. Nombre de pseudo-intellectuels ont prétendu l’avoir lu… alors qu’ils ne se sont guère aventurés au delà des 25 premières pages. Mais ils ont été trahis par la fonctionnalité des passages surlignés de la liseuse électronique Kindle. Celle-ci met en relief les 5 passages jugés les plus saillants par ses lecteurs. Elle offre ainsi un aperçu du phénomène du livre jamais achevé. Lorsque la plupart des extraits mis en exergue se trouvent au début de l’ouvrage, on peut supposer que la majorité des lecteurs n’est pas allée jusqu’à la fin du livre. Et l’ouvrage de Piketty – qui traite des inégalités du système économique – s’est ainsi retrouvé en tête du classement des livres que l’on n’achève jamais)
Tout semble opposer Trump et Macron de prime abord, affirme-t-il sur son blog :
« D’un côté le vulgaire businessman américain, aux tweets xénophobes et climato-sceptiques ; de l’autre l’esprit européen éclairé, soucieux de dialogue des cultures et de développement durable. Tout cela n’est pas entièrement faux, et de surcroît bien agréable pour nos oreilles françaises. Mais si l’on regarde de plus près les politiques menées, on est frappé par les similitudes.
En particulier, Trump comme Macron viennent de faire adopter des réformes fiscales extrêmement proches, et qui dans les deux cas constituent une incroyable fuite en avant dans le mouvement de dumping fiscal en faveur des plus riches et des plus mobiles. (…)
Ils témoignent tous deux d’une profonde incompréhension des défis inégalitaires posés par la mondialisation. Ils refusent de prendre en compte des faits qui sont pourtant aujourd’hui bien documentés, à savoir que les groupes qu’ils favorisent sont déjà ceux qui ont accaparé une part démesurée de la croissance des dernières décennies. »
Le capital concentré entre les mains d’héritiers d’une aristocratie financière
La thèse centrale de l’ouvrage « Le capital au xxie siècle » se fonde sur une “loi fondamentale du capitalisme” qui veut que depuis le début du capitalisme libéral, le rendement du capital a toujours été supérieur à la croissance économique. En conséquence, les propriétaires du capital (notamment les héritiers de gros patrimoines) s’enrichissent plus vite que ceux qui doivent constituer leur patrimoine à la sueur de leur front, et qui dépendent des revenus de leur travail. En effet, les salaires (revenus du travail) augmentent seulement avec la croissance économique. Les personnes qui tirent leurs revenus du capital (dividendes, rentes, plus-values financières ou immobilières, etc) peuvent donc développer leur patrimoine bien plus rapidement que les salariés. Les impôts corrigent ce phénomène, mais pas en cas de croissance molle. Or, Piketti prédit qu’une faible croissance d’environ 1 % sera la norme de ce siècle, en raison du déclin démographique des pays occidentaux, et de la délocalisation d’une partie de la production dans les pays émergents. D’un autre côté, les rentes sur le capital devraient atteindre 4 % en raison notamment d’une fiscalité plus favorable. En outre, les personnes fortunées bénéficient de meilleurs conseils financiers, ont accès à des produits financiers plus rentables, elles peuvent prendre plus de risques, ce qui signifie que leurs placements sont bien plus rentables que ceux des personnes plus modestes qui ne disposent que d’un faible capital.
Selon Piketty, le capitalisme n’est pas un système dans lequel tout le monde a sa chance, mais un système dans lequel toute la richesse est concentrée dans les mains des héritiers d’une petite aristocratie financière.
Pour Piketti, la solution consiste donc à augmenter la fiscalité des grandes fortunes en leur imposant une taxe de 15% afin de compenser ces inégalités, et une taxation confiscatoire (80 %) des salaires de plus de 500 000 dollars. Pour que ces mesures fonctionnent, il faut une transparence totale sur toutes les transactions bancaires. Enfin, il est également nécessaire de relancer l’inflation pour réduire le rendement du capital.
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