Le tour opérateur TUI a estimé la semaine dernière que l’Espagne était « bien pleine ». Que doit-on en penser ? Depuis le début du siècle, le pays a vu son tourisme croître de près de 40 millions de personnes, ce qui a porté son nombre de visiteurs annuels de 46 à 84 millions (+ 82 %). Dans de nombreux endroits, la limite a été atteinte. Mais les représentants de l’industrie ne sont pas satisfaits de la décision de TUI et plaident pour une plus grande diversification, à la fois dans les destinations finales du pays et dans les périodes de l’année où il est visité.
« Il y a une limite naturelle à la capacité des entreprises et à l’augmentation des prix, mais il est également nécessaire de redoubler d’efforts pour empêcher l’arrivée des « hooligans » et promouvoir des vacances plus responsables », disent les représentants du secteur du tourisme.
La touristophobie
Ces dernières années, le tourisme dans des villes d’Espagne comme Barcelone, San Sebastian et Palma de Majorque est devenu un vrai problème. Pour la première fois cette année, les touristes sont confrontés à la haine croissante que suscite leur grand nombre. Des petits groupes d’anarchistes ont récemment commis des actes de vandalisme dans des villes comme Barcelone et San Sebastian, que l’on a attribués à la « touristophobie ».
Pour la première fois de l’histoire, les habitants de la capitale catalane disent que le tourisme est le principal problème de la ville, selon un récent sondage réalisé par le conseil municipal.

Le lobby touristique souffle le chaud et le froid
Le lobby touristique Exceltur lui-même souffle le chaud et le froid. D’un côté, il ne veut pas menacer un secteur qui génère 11 % du PIB et emploie 2,5 millions de personnes, mais de l’autre, il est conscient que les choses ne pourront pas continuer ainsi dans certaines régions. Mais comment prendre des mesures efficaces, sans heurter les étrangers en visite, ou leur donner l’impression qu’ils ne sont pas les bienvenus ?
Certaines villes ont pris des mesures. L’an dernier, Barcelone a déjà interdit l’ouverture de nouveaux hôtels. La semaine dernière, on a appris que l’utilisation de Segways sera interdite dans le centre historique à partir du 1er septembre. Dans les îles Baléares, un moratoire d’un an a été décidé sur les plateformes de location comme Airbnb. Le nombre de licences accordées pour les hébergements à louer a atteint le maximum de 620 000. Le gouvernement régional des Îles Baléares souhaite que ce nombre revienne juste au dessus d’un demi-million dès l’année prochaine, explique le journal El País.
Les plus de 80 millions de visiteurs étrangers qui sont attendus cette année en Espagne sont-ils vraiment de trop ? La réponse est, comme c’est généralement le cas, complexe autant que nuancée : oui, à certains endroits et époques de l’année, mais pas toujours et pas partout.
Les quotas seraient-ils utiles ?
Juan Ignacio Pulido, professeur d’économie appliquée à l’Université de Jaén, souligne que des quotas seraient utiles dans des endroits comme les îles Baléares, mais il s’empresse d’ajouter que la solution ne pourra jamais venir d’une restriction de l’offre.
« Le problème des villes côtières n’est pas celui de l’offre, mais de la demande. Des mesures devraient être prises pour empêcher la venue de « hooligans » et encourager l’avènement du tourisme responsable ».
Quels critères peuvent être utilisés pour cela ? Il ne faut pas placer tous les hôtels sous la même enseigne. Par exemple, on peut donner la priorité dans l’attribution des quotas aux hôtels qui prennent des initiatives en matière environnementale et qui rémunèrent décemment leurs employés.
The scourge of tourism…. #Barcelona residents say “enough is enough” to naked Italian men http://t.co/bGI7M9DZ0w pic.twitter.com/nYOtkdFVY9
— Sony Kapoor (@SonyKapoor) August 22, 2014
Restreindre Airbnb n’a pas de sens
La décision du Gouvernement des Îles Baléares d’imposer un moratoire à Airbnb a été vivement critiquée par d’autres spécialistes: « Dans un an, de nouvelles plateformes inconnues mais plus difficiles à contrôler reprendront alors le marché, ce qui ne pourra qu’augmenter la fraude et les abus ».
Exceltur a calculé qu’en 2016, dans 22 villes espagnoles, l’offre de chambres privées émanant de particuliers via des plateformes telles qu’Airbnb et HomeAway avait été pour la première fois plus importante que celle des chambres d’hôtel. Les hôtels utilisent ces chiffres pour se plaindre, tandis que les plateformes font valoir que les gens qui ont du mal à joindre les deux bouts peuvent maintenant gagner un revenu grâce à l’économie du partage.
L’énorme afflux de touristes en Espagne est également une conséquence de l’incertitude politique dans des pays comme la Turquie, l’Egypte et d’autres, qui convainc de plus en plus d’Européens du Nord de rester près de chez eux. Le succès de l’Espagne devrait s’atténuer automatiquement une fois que la situation sera stabilisée dans ces pays.
Mais en attendant, l’Espagne est un équilibre difficile : d’une part, il faut gérer cette saturation dans certaines zones, d’autre part, il faut éviter que les populations locales n’éprouvent le sentiment qu’elles ne peuvent plus vivre dans leur quartier et qu’elles ne tombent ainsi dans la « touristophiobie ».
.@albertofdezxbcn acusa a las juventudes de las #CUP de “turismoborroka” https://t.co/VTJLFWwqd7 pic.twitter.com/6Z9O3Fn3Yp
— esRadio (@esRadio) August 1, 2017
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